I. Synthèse Exécutive
Le Sénégal, pays d’Afrique de l’Ouest caractérisé par une diversité de zones climatiques, dépend intrinsèquement de ses ressources en eau pour son développement. Son réseau hydrographique, composé de fleuves majeurs tels que le Sénégal, la Gambie, la Casamance, et le Saloum (souvent associé au Sine), ainsi que de lacs vitaux comme le lac de Guiers, constitue le pilier de son économie et de la subsistance de ses populations. La gestion de ces ressources est complexe, impliquant des organisations transfrontalières comme l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) et l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Gambie (OMVG), qui ont mis en œuvre des infrastructures d’envergure pour l’agriculture, l’énergie et la navigation.
Cependant, malgré ces efforts de développement, le Sénégal est confronté à des défis environnementaux et socio-économiques majeurs. La salinisation des terres et des eaux, la prolifération des plantes aquatiques invasives, la pollution, la perte de biodiversité et les impacts du changement climatique (réduction de la disponibilité de l’eau, élévation du niveau de la mer, événements extrêmes) menacent la durabilité de ces écosystèmes fragiles et les moyens de subsistance des communautés. Ces problématiques sont interconnectées, soulignant la nécessité d’une approche intégrée et participative pour une gestion durable des ressources en eau, qui concilie les impératifs de développement avec la protection de l’environnement et l’équité sociale.
II. Introduction au Réseau Hydrographique du Sénégal
Contexte Géographique et Importance Stratégique des Ressources en Eau au Sénégal
Le Sénégal occupe une position géographique stratégique en Afrique de l’Ouest, s’étendant sur diverses zones climatiques. Le pays connaît un gradient pluviométrique marqué, allant d’un climat guinéen plus humide dans le sud à des conditions sahéliennes plus arides dans le nord. Cette variabilité climatique influence directement la disponibilité et les caractéristiques des ressources en eau à travers le territoire. Dans un contexte de semi-aridité, l’eau revêt une importance fondamentale, agissant comme un moteur essentiel pour le développement économique, la sécurité alimentaire, la santé publique et la stabilité des écosystèmes. La maîtrise et la gestion de ces ressources sont donc cruciales pour la résilience et la prospérité du pays.
Aperçu des Principaux Bassins Fluviaux et Lacs
Le réseau hydrographique du Sénégal est dominé par quatre fleuves principaux : le fleuve Sénégal au nord, le fleuve Gambie au sud-est, le fleuve Casamance au sud, et le fleuve Saloum (souvent associé au Sine) dans le centre-ouest. Ces cours d’eau sont complétés par des lacs d’une importance capitale, notamment le lac de Guiers, qui est la plus grande réserve d’eau douce permanente du pays, le lac Retba (plus connu sous le nom de lac Rose), et le lac Tanma.
La distribution de ces masses d’eau révèle une diversité hydrographique et des disparités régionales significatives. Le fleuve Sénégal, par exemple, traverse des zones arides au nord, tandis que le fleuve Casamance est un système estuarien dans une région plus humide au sud. Le Saloum, quant à lui, forme un delta complexe. Cette hétérogénéité géographique et climatique implique que les défis et les opportunités liés à la gestion de l’eau varient considérablement d’une région à l’autre. Une gestion efficace doit donc adopter une approche différenciée, reconnaissant les contextes uniques de chaque cours d’eau majeur et les implications pour l’accès à l’eau, les priorités de développement et la répartition des bénéfices ou des charges environnementales.
III. Le Bassin du Fleuve Sénégal : Un Pilier du Développement Régional
3.1. Profil Géographique et Hydrologique
Le fleuve Sénégal est le deuxième cours d’eau le plus important d’Afrique de l’Ouest, juste après le Niger. Il prend sa source dans le massif du Fouta Djalon en Guinée, où la rivière Bafing, sa source principale, conflue avec la rivière Bakoye à Bafoulabé (Mali) pour former le fleuve Sénégal proprement dit. Le fleuve décrit ensuite un grand arc de cercle, traversant quatre États riverains : la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. Sa longueur est estimée entre 1 700 km et 1 800 km , et son bassin versant couvre une superficie d’environ 300 000 à 340 000 km².
Parmi ses affluents clés, la Falémé est considérée comme le dernier affluent significatif avant le cours inférieur du fleuve. D’autres affluents importants incluent le Kolombiné, le Karakoro, le Gorgol et le Baoulé. Le régime hydrologique du fleuve est de type pluvial tropical pur, fortement influencé par l’alternance d’une saison des pluies (de juillet à octobre) et d’une saison sèche (de novembre à mai/juin). Un gradient pluviométrique significatif est observé, avec des précipitations diminuant de l’amont (par exemple, 2000 mm à Mamou près de la source du Bafing) vers la basse vallée (moins de 300 mm vers Podor et Saint-Louis). Historiquement, la crue annuelle du fleuve atteint son maximum en septembre à Bakel et arrive à Saint-Louis début novembre, inondant la vallée alluviale.
Une caractéristique fondamentale du fleuve Sénégal est son caractère « exogène ». Son écoulement est principalement généré dans les hautes terres humides du Fouta Djalon, puis il traverse des régions de plus en plus arides et semi-arides dans ses tronçons inférieurs et moyens. Cela signifie que son approvisionnement en eau est largement indépendant des faibles précipitations locales dans les zones sahéliennes du Sénégal et de la Mauritanie. Cette particularité fait du fleuve Sénégal une véritable bouée de sauvetage, presque « importée », pour les régions arides en aval. Elle souligne pourquoi la gestion et le contrôle de son débit, notamment par la construction de barrages, sont absolument essentiels pour assurer la disponibilité de l’eau pour l’agriculture, l’eau potable et d’autres usages dans ces zones soumises au stress hydrique. Cette réalité géographique explique également les enjeux élevés et la nécessité d’une coopération transfrontalière robuste entre les États riverains pour gérer cette ressource vitale partagée.
3.2. Contributions Socio-Économiques
Le fleuve Sénégal est la principale ressource hydraulique du pays , jouant un rôle vital dans plusieurs secteurs socio-économiques.
- Agriculture et Sécurité Alimentaire : La vallée alluviale du fleuve est une plaine agricole majeure , naturellement fertilisée par les crues annuelles. Elle est essentielle pour l’irrigation, avec une forte prédominance de la production céréalière, notamment le riz, mais aussi des cultures horticoles comme l’oignon, la tomate, le melon et le gombo. L’objectif est de mobiliser 1,01 milliard de m3 d’eau pour la production agricole d’ici 2025 , avec un potentiel de production de plus d’un million de tonnes de riz par an sur 200 000 hectares équipés, grâce à la double culture. Historiquement, la vie dans la vallée alluviale était rythmée par les fluctuations entre inondations et exondations, permettant la pratique des « cultures de décrue ». Cependant, il y a eu une transition profonde de l’agriculture traditionnelle dépendante des crues naturelles vers une agriculture irriguée moderne et contrôlée. Cette évolution, facilitée par la construction de barrages, vise à obtenir des rendements plus élevés et plus fiables, ainsi que la possibilité de récoltes multiples par an. Cette transition représente une stratégie nationale délibérée pour renforcer la sécurité alimentaire et la productivité agricole. Elle implique néanmoins une altération fondamentale de l’écosystème naturel et des modes de subsistance traditionnels, entraînant de nouveaux défis tels qu’une demande accrue en eau, des conflits fonciers potentiels , une dépendance aux intrants externes (engrais, pesticides) , et une modification des structures socio-économiques vers un modèle agricole plus industrialisé et contrôlé.
- Production Hydroélectrique : L’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) exploite d’importantes infrastructures hydroélectriques, notamment le barrage de Manantali au Mali, sur le fleuve Bafing , et la centrale de Félou, également au Mali. Manantali a une capacité installée de 200 MW , et l’OMVS vise à produire 800 GWh d’énergie hydroélectrique par an. Cette énergie est partagée entre les États membres, le Sénégal recevant 33 % de la production. L’hydroélectricité est reconnue comme un moteur essentiel du développement économique, contribuant à remédier aux faibles taux d’électrification dans la région.
- Navigation et Connectivité Régionale : Un objectif de longue date de l’OMVS est de rendre le fleuve navigable toute l’année de Saint-Louis (Sénégal) à Kayes (Mali). L’OMVS accélère activement ses efforts pour établir une navigation pérenne et a signé des contrats commerciaux pour faire avancer cet objectif. Le barrage de Diama est équipé d’une écluse de navigation pour faciliter le passage des navires.
- Approvisionnement en Eau : Le fleuve Sénégal est la principale ressource hydraulique du pays, contribuant de manière significative à la recharge des nappes phréatiques et à l’alimentation du lac de Guiers. Ce dernier est, à son tour, la plus importante réserve d’eau douce permanente du Sénégal et une source essentielle d’eau potable pour la capitale, Dakar.
3.3. Gouvernance et Infrastructures : Le Modèle de l’OMVS
L’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) a été créée le 11 mars 1972 par le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. La Guinée, initialement membre de l’Organisation des États Riverains du Sénégal (OERS), a rejoint l’OMVS par la suite. Son mandat est de mettre en œuvre un programme ambitieux de développement multisectoriel et intégré, basé sur la maîtrise et la gestion rationnelle des ressources du bassin. Les objectifs clés incluent l’autosuffisance alimentaire, la réduction de la vulnérabilité économique face aux aléas climatiques, l’accélération du développement économique, la préservation de l’équilibre des écosystèmes et l’amélioration des revenus des populations de la vallée. L’OMVS est reconnue pour son cadre juridique et institutionnel robuste, qui assure une propriété commune et indivisible ainsi que des droits d’usage partagés du fleuve et de ses infrastructures communes. Elle est souvent citée comme un modèle d’organisme de bassin fluvial à l’échelle mondiale.
Une réussite notable de l’OMVS est sa capacité à prévenir les conflits inter-étatiques sur l’allocation de l’eau, grâce à une coopération efficace et une vision unifiée de l’utilisation de la ressource. Cependant, cette efficacité à l’échelle des États peut parfois masquer des inégalités et des vulnérabilités au niveau local. Des rapports indiquent que les espaces ruraux, en particulier dans la vallée du Sénégal, ont pu être négligés au profit d’une logique centralisée de gestion de l’eau. De plus, les mesures compensatoires pour atténuer les impacts négatifs des projets ont parfois été imparfaites ou tardives, laissant les populations et les écosystèmes dans une situation fragile. Cela signifie que, si l’OMVS est un modèle de gouvernance transfrontalière et de développement d’infrastructures à grande échelle, une approche plus équitable et participative est nécessaire pour combler le fossé entre les objectifs stratégiques régionaux et les réalités locales.
- Analyse Détaillée des Barrages Clés :
- Barrage de Diama : Situé sur le fleuve Sénégal, à 27 km en amont de Saint-Louis, près du village de Maka-Diama. Sa construction a débuté en 1981 et s’est achevée en 1986. Sa fonction première est d’être un barrage anti-sel, empêchant l’intrusion des eaux salines de l’océan jusqu’à 200-250 km à l’intérieur des terres, ce qui rendait auparavant de vastes étendues agricoles impropres à la culture. Il sert également à la navigation et à l’irrigation , régulant le débit en se fermant pendant les périodes de basses eaux pour bloquer l’intrusion saline et en s’ouvrant pendant les crues pour permettre l’écoulement normal du fleuve. Il contribue également au remplissage du lac de Guiers.
- Barrage de Manantali : Situé sur le fleuve Bafing au Mali, un affluent majeur du fleuve Sénégal. Mis en service en 1988 , il a une capacité de stockage de 11 milliards de m3 d’eau. Ses principaux objectifs sont de réguler le débit du fleuve toute l’année, assurant la disponibilité de l’eau pour la production hydroélectrique (200 MW de capacité installée) , l’irrigation et la navigation. Il joue également un rôle dans la gestion des crues.
- Barrage de Gouina : L’OMVS a également inauguré le barrage de Gouina comme sa troisième centrale hydroélectrique, augmentant ainsi sa capacité de production d’énergie.
- Bénéfices et Réalisations des Interventions de l’OMVS : Les barrages ont considérablement contribué à stabiliser le débit du fleuve , garantissant ainsi la disponibilité de l’eau toute l’année pour l’agriculture et permettant une augmentation de la production agricole. Le barrage de Diama a réussi à réduire la salinisation en amont. L’OMVS a également réalisé des progrès dans la production hydroélectrique et a mis en œuvre des projets de santé, notamment la fourniture de latrines et d’infrastructures d’approvisionnement en eau potable, ce qui a entraîné une amélioration notable de la santé des habitants de la vallée.
3.4. Impacts Environnementaux et Socio-Économiques du Développement
La construction et l’exploitation des barrages ont entraîné des modifications significatives des régimes hydrologiques et des écosystèmes du bassin du fleuve Sénégal.
- Changements dans les Régimes Hydrologiques et les Écosystèmes : Les opérations du barrage de Manantali ont profondément altéré le régime hydrologique naturel, régulant le débit et réduisant la charge sédimentaire en aval. Cela a conduit à un « laminage des crues », c’est-à-dire une atténuation des pics de crue, car l’eau est stockée dans le réservoir. Cette modification a un impact sur le cycle naturel d’inondation qui fertilisait historiquement les plaines alluviales et rechargeait les nappes phréatiques. Bien que bénéfiques pour l’irrigation contrôlée, ces changements ont des conséquences pour les écosystèmes adaptés à la variabilité naturelle, affectant les ressources fauniques et ichtyologiques. Les crues naturelles du fleuve Sénégal inondaient historiquement la vallée alluviale, remplissaient le lac de Guiers et le lac de R’kiz, et alimentaient les nappes phréatiques et autres aquifères. Ces inondations naturelles étaient essentielles pour maintenir la fertilité des plaines alluviales et soutenir l’agriculture traditionnelle de décrue, ainsi que les écosystèmes associés. La construction du barrage de Manantali a modifié ce processus, entraînant une diminution des débits maximaux pendant la période des hautes eaux. Bien qu’une « crue artificielle annuelle » soit parfois prévue comme mesure compensatoire , elle ne peut entièrement reproduire les fonctions écologiques complexes d’une crue naturelle. Cela met en évidence une tension fondamentale et un compromis inhérent aux grands projets d’infrastructure hydraulique : la recherche d’une augmentation de la production agricole et de la génération d’énergie se fait souvent au détriment de la perturbation des fonctions écologiques naturelles et des moyens de subsistance traditionnels adaptés à l’environnement. Pour l’avenir, les stratégies de gestion des barrages devront s’efforcer d’optimiser les opérations pour équilibrer ces demandes concurrentes, potentiellement par des lâchers d’eau plus écologiquement sensibles et un suivi environnemental complet pour atténuer les impacts résiduels.
- Dynamiques de Salinisation : Bien que le barrage de Diama ait été construit pour empêcher l’intrusion d’eau salée , la salinisation reste un phénomène persistant et récurrent dans le delta du fleuve Sénégal, affectant des zones significatives (1 700 km² sur la rive sénégalaise). Cette salinisation continue est attribuée à une combinaison de facteurs, notamment la présence d’une nappe phréatique saline peu profonde, le climat aride, les mauvaises pratiques d’irrigation et un drainage insuffisant. Il est également noté que la salinisation naturelle précédait la construction du barrage de Diama.
- Changements dans la Biodiversité : Les conditions hydrologiques altérées et d’autres facteurs ont entraîné des changements significatifs dans la biodiversité. Un problème notable est la prolifération de plantes aquatiques invasives, telles que le Typha, en particulier dans le lac de Guiers. Cette végétation envahissante obstrue les activités de pêche, contribue à la pourriture de la matière végétale et dégrade la qualité de l’eau. D’autres espèces invasives comme Pistia stratiotes et Typha spec. sont également observées.
- Transformations Socio-Économiques : La construction des barrages et les projets de développement associés ont entraîné des déplacements de populations. Ces déplacements ont, à leur tour, créé des tensions et des conflits entre les communautés déplacées et les communautés d’accueil préexistantes, exacerbant les problèmes fonciers. On a également observé un changement dans les moyens de subsistance traditionnels, avec certains jeunes agriculteurs et éleveurs se reconvertissant dans la pêche, souvent avec un succès mitigé.
- Implications Sanitaires : Les changements dans la gestion de l’eau et la prolifération de certains environnements aquatiques ont contribué à des défis de santé publique, y compris le développement et la propagation de maladies d’origine hydrique et du paludisme. Bien que l’OMVS ait mis en œuvre des projets de santé, tels que la fourniture de latrines et d’infrastructures d’eau potable, ces problèmes persistent.
3.5. Perspectives Futures et Impératifs Stratégiques
Pour l’avenir, il est reconnu qu’il est nécessaire de mener des investigations plus approfondies sur des questions telles que l’érosion des berges en aval de Manantali. Un contrôle complet de la qualité de l’eau est également crucial, afin de gérer la contamination potentielle due aux activités agricoles, industrielles et minières au sein du bassin. Un impératif stratégique majeur consiste à optimiser la gestion des barrages pour équilibrer efficacement les demandes concurrentes, telles que le soutien des crues, le soutien des basses eaux pour la navigation et l’irrigation, et la production d’électricité. Cette optimisation est essentielle pour maximiser les avantages des infrastructures tout en minimisant les conséquences environnementales et sociales négatives.
IV. Le Bassin du Fleuve Gambie : Une Ressource Partagée pour le Développement Intégré
4.1. Caractéristiques Géographiques et Hydrologiques
Le fleuve Gambie est un cours d’eau majeur d’Afrique de l’Ouest qui prend sa source dans le massif du Fouta Djalon en Guinée. Il traverse ensuite une partie du sud-est du Sénégal, notamment le Parc National du Niokolo-Koba , avant d’entrer et de définir le pays de la Gambie, qui s’étend sur ses deux rives. La longueur du fleuve est estimée entre 1 130 km et 1 150 km , dont environ 500 km sont navigables. Il se jette finalement dans l’océan Atlantique à Banjul, la capitale de la Gambie.
Le bassin du fleuve Gambie couvre une superficie d’environ 60 000 km². Sur le territoire sénégalais, ses affluents notables incluent le Koulountou, qui conflue sur la rive gauche, et les rivières Niokolo-Koba et Niéroko, qui se jettent dans le fleuve Gambie depuis la rive droite, drainant la région du Sénégal Oriental. Le fleuve présente un régime pluvial tropical de savane. Son débit est caractérisé par une forte irrégularité, le débit moyen observé en fin de saison des pluies (septembre) étant jusqu’à 90 fois supérieur à celui de la fin de la saison sèche (juin). Le débit moyen à Gouloumbou, près de la frontière Sénégal-Gambie, est de 149
m3/s.
4.2. Importance Socio-Économique pour le Sénégal
Le fleuve Gambie et son bassin sont essentiels pour soutenir les activités agricoles, la pêche et diverses activités de subsistance régionales dans le sud-est du Sénégal, en particulier dans les régions qu’il traverse. Le cours du fleuve à travers le Parc National du Niokolo-Koba souligne également son importance écologique, car il soutient une faune diversifiée et contribue au réseau d’aires protégées du Sénégal.
4.3. Le Rôle de l’OMVG et les Projets Majeurs
L’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Gambie (OMVG) est une autre organisation transfrontalière majeure de gestion des bassins fluviaux, dont le Sénégal est membre. Son vaste mandat englobe des projets et programmes de développement dans divers secteurs, notamment l’eau, l’agriculture, l’énergie, les infrastructures, la protection et la préservation de l’environnement, la santé, l’éducation et la création d’emplois, ainsi que les télécommunications. Au-delà du développement sectoriel, l’OMVG vise explicitement à lutter contre la pauvreté, l’exode rural et l’immigration clandestine, tout en favorisant l’intégration, la solidarité, la paix, la sécurité et la stabilité entre ses États membres.
- Évaluation Détaillée des Projets Majeurs :
- Barrage Hydroélectrique de Sambangalou (Sénégal) : Ce projet hydroélectrique majeur est situé dans la région de Kédougou au Sénégal. Il est conçu pour avoir une puissance de 128 MW, capable de produire 402 GWh par an. Le réservoir associé, d’une superficie de 181 km², est partagé entre le Sénégal et la Guinée.
- Barrage de Kaléta (Guinée) : Situé en Guinée, à environ 115 km au nord-est de Conakry , le barrage de Kaléta est une centrale hydroélectrique au fil de l’eau. Il est un élément clé du projet énergétique plus large de l’OMVG, qui vise à augmenter la production annuelle moyenne d’énergie pour les quatre pays membres de 1 000 GWh à 1 400 GWh.
- Ligne d’Interconnexion : Un élément crucial reliant ces projets énergétiques est une ligne de transport d’électricité de 1 677 km (225 kV), dont 701 km se trouvent au Sénégal. Cette ligne est conçue pour alimenter en électricité les quatre pays membres de l’OMVG, améliorant ainsi la sécurité énergétique globale et facilitant les projets d’électrification rurale.
La coexistence et le succès opérationnel de l’OMVS et de l’OMVG mettent en évidence une tendance régionale plus large en Afrique de l’Ouest vers une gestion intégrée des bassins fluviaux. Cette approche est perçue comme un impératif stratégique pour favoriser le développement économique, assurer la sécurité des ressources et prévenir les conflits potentiels liés aux ressources en eau partagées. L’engagement actif du Sénégal dans les deux organisations souligne l’importance critique des ressources en eau transfrontalières pour son programme de développement national et son rôle dans la stabilité et la croissance régionales. Cette double implication témoigne également d’une approche mature de la coopération régionale en matière de gouvernance de l’eau.
4.4. Considérations Environnementales et Sociales des Projets de l’OMVG
Les projets d’infrastructure à grande échelle, tels que ceux de l’OMVG, ont des conséquences environnementales et sociales significatives.
- Perte d’Habitat et Impacts sur la Biodiversité : La création du réservoir de Sambangalou (185 km²) entraînera inévitablement la perte de ressources naturelles, y compris des terres productives et de la végétation, ainsi que des impacts importants sur les habitats fauniques. De plus, la modification du bilan hydraulique dans les tronçons sénégalais et gambiens en aval pourrait entraîner une dégradation de la qualité de l’eau dans le réservoir et une perte de biodiversité aquatique en amont du barrage. Le projet risque également de couper des corridors essentiels pour la faune, notamment au sein du Parc National du Niokolo-Koba.
- Potentiel de Salinisation et Changements de Qualité de l’Eau : Inversement, le projet de Sambangalou devrait avoir un impact positif sur la salinisation en provoquant un « recul du front salin en saison sèche dans le bief gambien », ce qui pourrait réduire l’intrusion d’eau salée et potentiellement atténuer l’appauvrissement des mangroves dans l’estuaire central.
- Impacts Sociaux : Les projets de l’OMVG impliquent le déplacement de populations, entraînant la perte de terres productives (agricoles et pastorales), une perte potentielle de revenus, et la perte de biens collectifs et du patrimoine culturel. Ces déplacements peuvent entraîner une dislocation du tissu social et un traumatisme psychosocial potentiel pour les communautés affectées. Les préoccupations incluent également l’insuffisance des ressources naturelles à proximité des sites de réinstallation, l’exclusion potentielle des personnes vulnérables des avantages du projet, et une augmentation de la charge de travail pour les femmes et les enfants. Des craintes subsistent également concernant une indemnisation inadéquate et l’incapacité des populations déplacées à maintenir leur niveau de vie antérieur au projet. Les impacts socio-environnementaux détaillés pour le projet de Sambangalou, tels que la perte de terres productives, le déplacement de populations, la perte de biens collectifs et du patrimoine culturel, la dislocation du tissu social, et l’augmentation potentielle de la charge de travail des femmes et des enfants, présentent de fortes similitudes avec les défis documentés pour les projets de l’OMVS. Cette convergence des problématiques suggère que, malgré le statut de « modèle » de l’OMVS, les complexités socio-environnementales inhérentes à la construction de grands barrages ne sont pas spécifiques à une seule organisation de bassin, mais sont systémiques à travers des initiatives de développement similaires dans la région. La récurrence de ces défis souligne une opportunité d’apprentissage cruciale. Elle indique que si les modèles techniques et de gouvernance pour la gestion transfrontalière de l’eau peuvent être efficaces à un niveau macro, les stratégies d’atténuation sociale et environnementale pour les grands projets d’infrastructure nécessitent un affinement continu et une intégration proactive des leçons apprises. L’OMVG et les futurs projets devraient s’appuyer sur l’expérience étendue et les impacts documentés de l’OMVS pour mettre en œuvre des mesures d’atténuation, des processus d’indemnisation et un suivi socio-environnemental à long terme plus robustes et équitables dès le départ, afin d’atteindre des résultats de développement plus véritablement durables et inclusifs.
V. Le Bassin du Fleuve Casamance : Une Région aux Défis Uniques
5.1. Caractéristiques Géographiques et Hydrologiques
Le fleuve Casamance est un cours d’eau important entièrement situé au Sénégal. Il mesure environ 300 à 320 km de long , prenant sa source dans la partie orientale de la région de Casamance, près de Fafacourou, et s’écoulant d’est en ouest avant de se jeter dans l’océan Atlantique. Le fleuve est navigable de son embouchure jusqu’à Ziguinchor, la principale ville de la région , et également depuis Sédhiou. Ziguinchor, située à 60 km de la mer, bénéficie d’un port maritime.
Ses principaux affluents comprennent le Soungrougrou (son affluent le plus important), le Diouloulou et le bolong de Kamobeul. La région de Casamance est caractérisée par un vaste réseau de marigots (bras de mer soumis aux marées), de canaux et de petits cours d’eau, qui contribuent à la richesse hydrographique de la région. Le fleuve Casamance est particulièrement connu pour sa transformation en un estuaire hyperhalin , une caractéristique qui influence profondément son écologie et les défis auxquels il est confronté.
5.2. Importance Agricole et Économique
Le fleuve et son bassin ont historiquement été vitaux pour la riziculture, qui constitue une pierre angulaire de l’économie agricole de la région. Malgré les déclins passés, le bassin conserve le potentiel de produire un volume significatif de riz (par exemple, 300 000 tonnes, représentant 25 % de la consommation projetée du Sénégal en 2020). Le fleuve Casamance est considéré comme la « source de vie » de la région méridionale du Sénégal qui porte son nom. Son vaste réseau hydrographique contribue de manière significative à la richesse agricole de la région. Historiquement, sa navigabilité a joué un rôle crucial en permettant la pénétration de la région par les premiers colons portugais et en facilitant la traite des esclaves depuis l’arrière-pays.
5.3. Dégradation Environnementale Majeure et Ses Causes
La Casamance est confrontée à une dégradation environnementale sévère, principalement due à la salinisation et à l’acidification des terres.
- Salinisation Sévère et Acidification des Terres : L' »avancée de la langue salée » est un problème environnemental critique, provoquant une salinisation et une acidification généralisées des terres, en particulier dans les vasières et les bas-fonds. Ce phénomène a été gravement exacerbé par une réduction significative des précipitations (une baisse de 20 % sur 25 ans, associée à la « grande sécheresse » de 1968-1995) et une diminution consécutive de l’écoulement fluvial. Cette hypersalinisation a entraîné l’abandon et le déclin rapide de la production rizicole dans de nombreuses zones.
- Dégradation des Mangroves et Perte de Services Écosystémiques : L’augmentation de la salinité a provoqué un taux de mortalité élevé parmi la végétation naturelle, y compris les vastes forêts de mangroves, entraînant leur disparition significative. Cette perte a de profondes implications pour les services écosystémiques fournis par les mangroves, tels que la protection côtière, les zones de reproduction des poissons et la séquestration du carbone.
- Érosion Côtière : L’érosion côtière est un problème généralisé le long du littoral de la Casamance, causant diverses formes de dommages aux sites côtiers fragiles et vulnérables.
- Déforestation et Surpêche : Bien que le bassin de la Casamance possède la plus grande réserve forestière du Sénégal, il est confronté à des taux alarmants de déforestation, en particulier dans la région de Kolda, où les projections indiquent une disparition de la forêt d’ici 2032 au rythme actuel. La région souffre également de la surpêche, ce qui exerce une pression sur ses ressources marines et estuariennes.
- Pollution : L’urbanisation, en particulier autour de Ziguinchor, contribue de manière significative à la pollution du fleuve par le rejet d’eaux usées domestiques, industrielles et commerciales non traitées dans le fleuve Casamance via les drains pluviaux. De plus, de nombreux bateaux et pirogues à moteur opérant sur le fleuve contribuent à sa pollution. La Casamance est un exemple frappant de la manière dont le changement climatique amplifie les vulnérabilités anthropiques. La salinisation et l’acidification sévères des terres sont directement liées à une baisse prolongée de la pluviométrie, qui a entraîné une forte mortalité de la végétation naturelle, y compris des mangroves, en raison de la sur-salure des eaux. Cette situation démontre que le changement climatique, en particulier la réduction des précipitations et leur caractère plus erratique, agit comme un multiplicateur de menaces. Il intensifie les vulnérabilités environnementales préexistantes, telles que la salinisation estuarienne, et aggrave les pressions anthropiques comme la déforestation et la surpêche. Cette interaction conduit à des conséquences socio-économiques profondes, notamment l’effondrement agricole et l’exode rural. Pour cette raison, les stratégies d’adaptation pour la Casamance doivent dépasser les projets d’infrastructures hydrauliques isolés et adopter des approches holistiques axées sur la résilience des écosystèmes, la diversification des moyens de subsistance et des pratiques agricoles intelligentes face au climat, afin d’assurer une durabilité à long terme.
5.4. Conséquences Socio-Économiques et Adaptation
Le déclin de la production rizicole dû à la salinisation et à la dégradation des terres a directement entraîné une augmentation de l’insécurité alimentaire pour les populations locales. Cette crise agricole, associée à d’autres pressions socio-économiques, a considérablement accéléré l’exode rural, un phénomène déjà observé dans la région.
En réponse à ces défis sévères, les autorités publiques sénégalaises ont mis en œuvre divers aménagements hydro-agricoles. Ceux-ci incluent la construction de grands barrages anti-sel, comme le barrage d’Affiniam, ainsi que des structures à plus petite échelle construites par les communautés locales elles-mêmes. Les efforts se concentrent également sur la protection des sites côtiers fragiles et la rationalisation de l’exploitation halieutique pour assurer la durabilité des ressources marines.
VI. Le Delta du Saloum et du Sine : Un Écosystème Patrimoine Mondial de l’UNESCO
6.1. Description Géographique et Écologique
Le delta du Sine-Saloum est un système hydrographique unique et complexe, formé par la confluence des fleuves Saloum et Sine et leurs nombreux chenaux de marée, connus localement sous le nom de « bolongs ». Il est décrit comme un « ancien delta qui ne reçoit plus aujourd’hui d’apports d’eau douce permanents » , ce qui signifie que son hydrologie est désormais principalement influencée par l’action des marées et les précipitations plutôt que par un écoulement fluvial d’eau douce significatif. Le delta englobe une vaste zone de chenaux saumâtres, plus de 200 îles et îlots, de denses forêts de mangroves, un environnement maritime atlantique et des zones de forêt sèche adjacentes. Les bolongs, souvent colonisés par les mangroves, interconnectent les trois bras principaux (Saloum, Diomboss et Bandiala) qui s’ouvrent sur la mer.
Le Delta du Saloum est mondialement reconnu pour son importance écologique et culturelle. Il a été désigné site du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2011 et inscrit sur la liste de Ramsar (zones humides d’importance internationale) en 1984. Il est également le deuxième Parc National du Sénégal, créé en 1976 et classé par l’UNESCO en 1981 , et une Réserve de Biosphère.
6.2. Richesse de la Biodiversité et Services Écosystémiques
Le delta est réputé pour sa riche biodiversité. Ses vastes mangroves offrent des habitats essentiels. C’est un sanctuaire pour de nombreuses espèces d’oiseaux nicheurs et migrateurs, notamment les flamants roses, les pélicans gris, les hérons goliath, les goélands railleurs, les sternes royales et caspiennes, les aigrettes dimorphes, les barges à queue noire, les avocettes et les ibis royaux. Des mammifères tels que les singes, les phacochères, les servals et les hyènes sont également présents. L’environnement aquatique abrite une vie marine diversifiée, y compris des huîtres, des crevettes, des crabes violonistes et des crocodiles. Les racines des mangroves servent de zones de frai vitales pour les poissons. Les mangroves jouent un rôle crucial en tant que barrières naturelles, offrant une protection contre les inondations côtières pour les établissements humains. L’écosystème complexe du delta fournit des services essentiels, notamment le cycle des nutriments, la filtration de l’eau et la stabilisation côtière.
6.3. Activités Humaines Traditionnelles et Patrimoine Culturel
La pêche et la cueillette de coquillages ont été les principaux moyens de subsistance des communautés humaines dans le delta pendant des millénaires, constituant un mode de vie et de développement durable. Les méthodes de pêche traditionnelles, telles que la pêche au filet, à l’épervier ou à la palangrotte, sont toujours pratiquées par les pêcheurs locaux.
Le delta est marqué par 218 anciens amas coquilliers, dont certains s’étendent sur des centaines de mètres, qui sont les vestiges accumulés de l’activité humaine au cours des millénaires. Parmi ceux-ci, 28 servent de sites funéraires sous forme de tumulus, où des artefacts remarquables ont été découverts, offrant des informations inestimables sur les cultures qui ont occupé le delta à travers différentes périodes historiques et témoignant de la longue histoire de l’établissement humain le long de la côte ouest-africaine.
Le delta du Saloum est un point de convergence de la fragilité écologique, du patrimoine culturel et de la vulnérabilité climatique. Son statut de patrimoine mondial de l’UNESCO est fondé sur un « écosystème d’une grande biodiversité mais fragile » et un « établissement humain traditionnel… basé sur la cueillette des coquillages et sur la pêche, dans une interaction raisonnée avec un milieu naturel ». Cela met en évidence l’importance intrinsèque du patrimoine naturel et culturel, inextricablement liés par des pratiques humaines durables sur des millénaires. Cependant, des avertissements clairs indiquent que « avec la perte de la mangrove, tout l’habitat est voué à disparaître » et que « la montée des eaux menace la survie de ces villages ». Des problèmes comme l’ensablement et l’exploitation extensive du sel ont déjà affecté la pêche , et la salinité altère la qualité des eaux de surface. La convergence des impacts du changement climatique (élévation du niveau de la mer, salinisation accrue), combinée aux pressions anthropiques locales (surexploitation des ressources, ensablement), constitue une menace existentielle pour cet équilibre délicat. Cela met en péril non seulement l’intégrité écologique exceptionnelle du delta, mais aussi le patrimoine culturel unique intégré dans ses pratiques traditionnelles et ses sites archéologiques, ainsi que les moyens de subsistance de ses habitants. Une telle situation exige des stratégies de conservation et d’adaptation hautement intégrées qui privilégient la préservation de l’intégrité naturelle et culturelle, reconnaissant leur lien inséparable.
6.4. Menaces Environnementales et Impératifs de Conservation
Le delta, étant un « ancien delta qui ne reçoit plus aujourd’hui d’apports d’eau douce permanents » , est très sensible à la salinisation. Une « chute de la pluviométrie combinée à une forte évaporation et à une pente très faible des biefs aval » a entraîné une « élévation des salinités ». Cette salinité accrue altère directement la qualité des eaux de surface.
Le delta est confronté à des menaces liées aux activités humaines non durables, notamment l' »exploitation sauvage et extensive de sel » , qui a contribué à une forte diminution des ressources halieutiques. Il y a également la collecte illégale de mollusques, d’œufs d’oiseaux et de tortues, ainsi que l’exploitation non durable de produits végétaux. Le delta est très vulnérable aux impacts du changement climatique. La perte des mangroves, qui servent de barrières naturelles contre les inondations, menace directement la survie des villages deltaïques. Les projections pour le Sénégal indiquent une élévation du niveau de la mer et une intrusion accrue d’eau salée dans les voies navigables côtières , posant des menaces significatives à long terme pour l’écosystème fragile du delta et les établissements humains. Des stratégies de gestion efficaces sont cruciales pour la préservation du delta. Celles-ci incluent des efforts de plantation et de restauration des mangroves et la résolution des problèmes de collecte illégale et d’exploitation non durable grâce à des pratiques de gestion améliorées.
VII. Autres Plans d’Eau Significatifs : Les Lacs et Leurs Rôles
7.1. Lac de Guiers : La Principale Réserve d’Eau Douce du Sénégal
Le lac de Guiers est reconnu comme la plus grande réserve d’eau douce permanente du Sénégal. Il s’agit d’une dépression allongée, d’environ 35 km de long et 8 km de large , principalement alimentée par la rivière Ferlo (ou Bounoum), en particulier pendant la saison des pluies. Son remplissage est conditionné par les ressources disponibles dans le fleuve Sénégal , auquel il est connecté, le barrage anti-sel de Diama influençant la qualité de son eau en réduisant la salinité.
Le lac est la principale source d’eau douce pour la capitale, Dakar, située à des centaines de kilomètres au sud-ouest, alimentée par des conduites souterraines. Cela en fait une ressource indispensable pour le plus grand centre urbain du pays.
- Défis Majeurs :
- Pollution : Le lac est fortement affecté par la pollution, notamment par les eaux usées agricoles et les résidus de drainage des plantations de canne à sucre , y compris l’utilisation de pesticides sur les cultures. Le rejet d’eaux usées urbaines non traitées contribue également à sa dégradation. Cette pollution entraîne l’eutrophisation, provoquant la prolifération d’algues vertes et soulevant des inquiétudes quant à la capacité du lac à continuer de fournir de l’eau potable.
- Prolifération de Plantes Aquatiques Invasives : Un défi écologique majeur est la prolifération généralisée de plantes aquatiques invasives, notamment le Typha (Typha domingensis). Cette végétation dense obstrue les activités de pêche, contribue à la pourriture de la matière végétale, provoque l’envasement et altère la qualité générale de l’eau. Elle entrave également la biodiversité, l’irrigation et l’approvisionnement en eau potable. La réduction de la salinité du lac suite à la construction du barrage de Diama a paradoxalement favorisé le développement de ces macrophytes.
- Risques de Salinisation : Malgré le fait qu’il s’agisse d’un lac d’eau douce, certaines parties des terres environnantes subissent une salinisation. Ce phénomène est attribué à l’irrigation systématique (même avec de l’eau faiblement salée), à l’évaporation concentrant les sels dans les canaux obstrués, à la présence d’une nappe phréatique saline peu profonde et aux sols halomorphes naturels.
- Surexploitation et Stress Hydrique : Le lac est soumis à une intense pression due aux prélèvements d’eau, en particulier en raison de l’installation d’unités agro-industrielles autour de sa périphérie. Il y a une demande croissante en eau de la part des établissements humains environnants, souvent exacerbée par des systèmes d’irrigation inefficaces. Le changement climatique devrait en outre limiter la disponibilité de l’eau dans la région.
- Stratégies de Gestion et Préoccupations de Durabilité : Un plan de gestion pour le lac de Guiers a été élaboré en 2005. Il existe un appel urgent à une gestion intégrée et participative du système fleuve-lac pour assurer sa durabilité à long terme. Les défis mettent en évidence la nécessité d’améliorer le contrôle de la qualité de l’eau, la gestion efficace des espèces invasives et les pratiques de prélèvement d’eau durables.
7.2. Lac Retba (Lac Rose) et Lac Tanma
- Lac Retba (Lac Rose) : Ce lac unique, également connu sous le nom de Lac Rose en raison de sa couleur rose distinctive , est un site touristique de premier plan situé près de Dakar. Sa couleur est attribuée à la présence de l’algue Dunaliella salina.
- Lac Tanma : Mentionné comme l’un des trois principaux lacs du Sénégal , ce qui indique son importance générale au sein du réseau hydrographique du pays, bien que moins d’informations détaillées soient fournies dans les documents de référence.
VIII. Enjeux Transversaux et Défis Majeurs pour les Ressources en Eau du Sénégal
8.1. Impacts et Vulnérabilités liés au Changement Climatique
Les modèles climatiques pour le Sénégal prévoient des tendances incertaines en matière de précipitations, avec des diminutions potentielles allant jusqu’à 53 mm d’ici 2080. On s’attend à des périodes sèches et humides plus extrêmes, ainsi qu’à une augmentation de l’évapotranspiration due à la hausse des températures. Les effets combinés de la réduction des précipitations et de l’augmentation de l’évapotranspiration devraient limiter la disponibilité de l’eau, entraînant une diminution significative de la disponibilité de l’eau par habitant d’ici la fin du siècle. Les systèmes d’irrigation inefficaces exacerbent en outre la perte d’eau.
L’élévation du niveau de la mer constitue une menace directe pour les communautés côtières du Sénégal, pouvant entraîner une intrusion accrue d’eau salée dans les voies navigables côtières et les réservoirs d’eau souterraine. Le changement climatique devrait également augmenter la fréquence et l’intensité des événements extrêmes, y compris les inondations , soulignant la nécessité de stratégies d’adaptation robustes. Ces impacts climatiques ont de graves implications pour des secteurs critiques tels que l’agriculture, la pêche (identifiée comme l’un des secteurs les plus vulnérables aux effets du changement climatique au Sénégal) et les infrastructures.
Le changement climatique agit comme un multiplicateur de menaces pour les défis hydriques existants. Les projections climatiques pour le Sénégal, incluant des précipitations incertaines, une évapotranspiration accrue, l’élévation du niveau de la mer et l’intensification des inondations, sont directement liées aux problèmes d’eau préexistants. Par exemple, la salinité qui altère la qualité des eaux de surface dans les deltas côtiers de Casamance et du Sine Saloum, ainsi que celle des eaux souterraines, est aggravée par ces changements climatiques. De même, la surpêche et la pollution sont intensifiées par les effets du changement climatique sur le secteur de la pêche. Cela démontre que le changement climatique n’est pas un problème isolé, mais qu’il amplifie et exacerbe les vulnérabilités existantes, telles que la salinisation, la rareté de l’eau et la pression sur les ressources naturelles. Cette situation souligne l’urgence d’intégrer des stratégies d’adaptation au changement climatique et de renforcement de la résilience dans tous les aspects de la gestion des ressources en eau au Sénégal. Les solutions doivent être conçues non seulement pour relever les défis actuels, mais aussi pour anticiper et atténuer les impacts amplifiés d’un climat en évolution, garantissant ainsi la durabilité à long terme des ressources en eau et des moyens de subsistance qui en dépendent. Cela exige une approche proactive, prospective et intégrée dans tous les secteurs.
8.2. Salinisation Généralisée : Une Crise Environnementale Nationale
La salinisation est un problème omniprésent au Sénégal, affectant 645 000 hectares à l’échelle nationale. Dans le delta du fleuve Sénégal, les causes incluent la présence d’une nappe phréatique saline peu profonde, le climat aride, les mauvaises pratiques d’irrigation et un drainage insuffisant. Dans les deltas de Casamance et du Sine-Saloum, elle est principalement due à la réduction de l’écoulement d’eau douce résultant de la diminution des précipitations et des régimes hydrologiques altérés.
Les conséquences de la salinisation sont à la fois socio-économiques et environnementales. Elles incluent une baisse des rendements agricoles, l’abandon des terres, la pratique d’une agriculture itinérante, des changements d’activité professionnelle pour les producteurs, et l’exode rural ou l’émigration de la population. Sur le plan environnemental, elle entraîne la perte de mangroves.
Pour atténuer ce problème, diverses stratégies sont mises en œuvre ou envisagées. Celles-ci comprennent le drainage, la double culture, la maîtrise de l’eau d’irrigation et l’utilisation du phosphogypse. L’utilisation de fumier et de variétés tolérantes au sel reste également une option viable. La construction de barrages anti-sel, comme celui d’Affiniam en Casamance, vise également à contrer l’intrusion saline.
IX. Conclusions et Recommandations
Le réseau hydrographique du Sénégal est un atout stratégique indispensable, vital pour l’agriculture, l’énergie, le transport et l’approvisionnement en eau potable. Les organisations de bassin transfrontalières, l’OMVS et l’OMVG, ont démontré leur capacité à mettre en œuvre des projets d’envergure, favorisant la coopération régionale et le développement économique. Le succès de l’OMVS dans la prévention des conflits transfrontaliers sur l’eau est particulièrement notable, bien que des défis subsistent en matière d’équité locale.
Cependant, ces systèmes hydriques sont confrontés à des pressions croissantes et interconnectées. La salinisation généralisée des terres et des eaux, exacerbée par la variabilité climatique et les pratiques de gestion, menace la productivité agricole et les écosystèmes côtiers. La prolifération des plantes aquatiques invasives et la pollution des lacs et des rivières compromettent la qualité de l’eau et les services écosystémiques. Le changement climatique agit comme un multiplicateur de menaces, intensifiant la rareté de l’eau, l’intrusion saline et la fréquence des événements extrêmes. En outre, les grands projets d’infrastructure, bien que bénéfiques à l’échelle macro, ont entraîné des impacts socio-environnementaux significatifs, tels que les déplacements de populations et la perturbation des moyens de subsistance traditionnels, qui nécessitent une attention continue et des mesures d’atténuation plus efficaces.
Pour assurer la durabilité et la résilience des ressources en eau du Sénégal, les recommandations suivantes sont formulées :
- Renforcer la Gestion Intégrée et Participative : Développer des mécanismes de gouvernance qui comblent le fossé entre les objectifs stratégiques régionaux et les réalités locales. Il est essentiel d’assurer une participation significative des communautés riveraines dans la planification et la gestion des ressources en eau, garantissant une répartition équitable des bénéfices et une prise en compte des savoirs traditionnels.
- Accélérer l’Adaptation au Changement Climatique : Intégrer les projections climatiques dans toutes les stratégies de gestion de l’eau. Cela inclut le développement de pratiques agricoles résilientes au climat, l’amélioration de l’efficacité de l’irrigation pour réduire les pertes d’eau, et la mise en œuvre de mesures de protection côtière contre l’élévation du niveau de la mer et l’intrusion saline.
- Prioriser la Qualité de l’Eau et la Santé des Écosystèmes : Mettre en œuvre des programmes rigoureux de surveillance et de contrôle de la qualité de l’eau pour lutter contre la pollution agricole, industrielle et urbaine. Des efforts concertés sont nécessaires pour gérer la prolifération des espèces invasives, notamment le Typha, par des approches écologiques et des interventions ciblées. La restauration des écosystèmes dégradés, comme les mangroves, est cruciale pour leurs services de protection et de biodiversité.
- Optimiser l’Exploitation des Infrastructures Hydrauliques : Affiner la gestion des barrages pour équilibrer les demandes concurrentes (production d’énergie, irrigation, navigation, soutien des crues écologiques) afin de maximiser les avantages tout en minimisant les impacts négatifs sur les écosystèmes et les populations dépendantes des régimes fluviaux naturels.
- Adresser les Impacts Socio-Économiques des Projets : Mettre en place des cadres de réinstallation et d’indemnisation robustes et équitables pour les populations affectées par les projets d’infrastructure. Il est impératif de soutenir la diversification des moyens de subsistance et de renforcer la résilience des communautés face aux transformations économiques et environnementales.
En adoptant une approche holistique qui intègre la gestion des ressources en eau, l’adaptation au changement climatique, la protection de l’environnement et l’équité sociale, le Sénégal pourra mieux relever les défis actuels et futurs, assurant la durabilité de ses précieuses ressources en eau pour les générations à venir.Sources used in the report